Petit organon pour le théâtre
Le Petit organon pour le théâtre condense en une forme brève et cinglante les théories énoncées dans L’Achat du cuivre, appelant à la fondation d’un nouveau théâtre de l’ère scientifique. Si le théâtre des Anciens peut continuer à nous divertir aujourd’hui, cette jouissance se nourrit d’une source désormais anachronique, qu’il s’agit de dépasser : l’art doit user des mêmes procédés que les sciences nouvelles pour porter un regard neuf sur la société, et dévoiler ainsi ses mécanismes cachés de domination et d’exploitation. C’est par la « distanciation » qu’il instaure avec son propre matériau que le théâtre peut, plus encore que reproduire le réel, dévoiler ses aspects opaques et défendre une dialectique matérialiste à même de transformer efficacement la société.
« Il faut que les reproductions s’effacent devant ce qui a été reproduit, la vie en commun des hommes, et le plaisir procuré par leur perfection doit être porté au plaisir plus élevé de voir traitées comme provisoires et imparfaites les règles mises en évidence dans cette vie en commun. C’est en cela que le théâtre laisse le spectateur productif, par-delà le regard porté sur le spectacle. Dans son théâtre, puisse le spectateur jouir comme d’un divertissement de ses terribles et interminables travaux, qui sont censés lui assurer sa subsistance, ainsi que de l’effroi de son incessante métamorphose. Qu’il s’y produise de la façon la plus légère ; car le mode d’existence le plus léger est dans l’art. » (Bertolt Brecht)